Mettre en place un programme public complet et universel d’assurance-médicaments pour garantir à tous les Canadiennes et Canadiens un accès équitable à des médicaments sans danger, prescrits selon les normes et dont les prix sont concurrentiels
L’accès abordable à des médicaments sans danger prescrits selon les normes est si essentiel à la santé des patients que l’Organisation mondiale de la santé a déclaré que les gouvernements étaient tenus de garantir cet accès à tous. Malheureusement pour beaucoup de Canadiens, le Canada est le seul pays développé avec un système de santé universel qui n’inclut pas une couverture universelle des médicaments sur ordonnance.
Le mieux que l’on puisse dire de la couverture pharmaceutique au Canada est qu’il s’agit d’un ensemble disparate et incomplet de régimes privés et publics – un système qui laisse beaucoup de Canadiens sans aucune couverture des médicaments sur ordonnance. Cette fragmentation de la couverture pharmaceutique a de nombreuses conséquences négatives :
- Environ 3 millions de Canadiennes et de Canadiens (1 sur 10) n’ont pas les moyens de prendre les médicaments qui leur sont prescrits. Cela se traduit par une aggravation des problèmes de santé et une augmentation des coûts ailleurs dans le système de santé[i],[ii].
- Les médicaments sont régulièrement sous-utilisés, surutilisés et mal utilisés au Canada. On estime qu’une meilleure réglementation et de meilleures directives nationales permettraient d’éviter 1 hospitalisation sur 6 au Canada[iii],[iv].
- Environ 2 millions de Canadiens déboursent plus de 1 000 $ par an en frais personnels pour payer les médicaments qui leur sont prescrits. L’absence de contrôle du coût des médicaments représente aussi un fardeau croissant pour les entreprises et les syndicats qui financent des régimes privés d’assurance-médicaments pour approximativement 60 % des travailleurs canadiens[v],[vi].
- Pour couronner le tout, le Canada dépense plus que tout autre pays doté d’un système de santé comparable pour les médicaments sur ordonnance. La duplication administrative des régimes d’assurance-médicaments privés coûte une somme estimée à 1 milliard de dollars. On estime que nous dépensons entre 4 et 11 milliards[vii],[viii],[ix] de dollars de plus pour les médicaments sur ordonnance que des pays comparables ayant des régimes nationaux d’assurance couvrant les médicaments sur ordonnance.
Depuis sa création, le système public universel d’assurance-maladie du Canada est supposé inclure une couverture publique universelle des médicaments sur ordonnance. La raison était simple et se réduisait à des principes fondamentaux, à savoir « accès », « pertinence », « équité » et « efficacité ». L’insertion, sur la base des principes ci-dessus, d’une assurance universelle pour les médicaments sur ordonnance dans le système de santé universel du Canada est réalisable et viable sur le plan financier. Il n’y a pas d’excuse pour l’inaction. Un leadership fédéral est requis pour ce faire.
Un régime d’assurance-médicaments universel respectueux des principes ci-dessus devrait relever de l’administration publique de ce qui serait essentiellement un système à payeur unique des médicaments assurés. Un organisme public pancanadien – avec représentation fédérale, provinciale et territoriale – établirait la liste nationale des médicaments à assurer. Cet organisme négocierait l’établissement du prix des médicaments ainsi que les contrats d’approvisionnement pour les médicaments de marque déposée et les médicaments génériques. Et, point important, il utiliserait le pouvoir d’achat combiné du programme pour veiller à ce que les Canadiens bénéficient du meilleur prix possible pour les médicaments et, par là même, de la couverture de la plus grande gamme de traitements possible.
Les provinces et les territoires continueraient à financer les achats effectués sur leur territoire. Cependant, comme dans le cas de l’assurance-maladie, pour assurer la participation générale et la compatibilité entre toutes les provinces et tous les territoires, le gouvernement fédéral financerait une partie du budget pour couvrir les charges de programme et les dépenses de fonctionnement.
Pour les patients, le programme sera une extension naturelle de l’assurance-maladie : si un médicament couvert est prescrit par un fournisseur de services de santé, le patient y aura accès sans obstacles financiers.
Pour la société, l’accès universel à des médicaments sans danger et prescrits selon les normes améliorera la santé de la population et réduira les demandes ailleurs dans le système de santé. Le système à payeur unique aura également pour effet de réduire sensiblement les coûts des médicaments pour le Canada. Le Canada ne peut plus se permettre de ne pas avoir de programme pancanadien d’assurance-médicaments.
RÉFÉRENCES
[i] Commission sur l’avenir des soins de santé au Canada. (2002). Guidé par nos valeurs : L’avenir des soins de santé au Canada (rapport final). Santé Canada.
[ii] Morgan SG, Daw JR, Law MR. (2013). Rethinking Pharmacare in Canada. C.D. Howe Institute. [en ligne] Commentary No. 384
[iii] ICIS. (2007). Demandes de remboursement de médicaments par les personnes âgées : Analyse de l’utilisation de médicaments potentiellement contre-indiqués, de 2000 à 2006. Institut canadien d’information sur la santé.
[iv] Samoy LJ, Zed PJ, Wilbur K, Balen RM, Abu-Laban RB, Roberts M. (2006). Drug-related hospitalizations in a tertiary care internal medicine service of a Canadian hospital: a prospective study. Pharmacotherapy. 2006;26(11):1578-86.
[v] Morgan SG, Daw JR, Law MR. (2013). Op. cit.
[vi] Daw JR, Morgan SG. (2012). Stitching the gaps in the Canadian public drug coverage patchwork? A review of provincial pharmacare policy changes from 2000 to 2010. Health Policy. 2012;104(1):19-26.
[vii] Gagnon M, Guillaume H. (2010). The Economic Case for Universal Pharmacare: Costs and Benefits of Publicly Funded Drug Coverage for all Canadians. Centre canadien de politiques alternatives.
[viii] Morgan SG, Law M, Daw JR, Abraham L, Martin D. (2015). Estimated cost of universal public coverage of prescription drugs in Canada. CMAJ 21 avril 2015;187(7)491-7.
[ix] Stanbrook M. (2015). Editorial: Canada can afford universal pharmacare — no more excuses. 21 avril 2015;187:475.